p0ster #10
Blank – Le sortilège des Antilles
La pub d’une expo de Le Titien me fixe avec le regard flou et terrifiant d’une sexualité d’enfant. Je sens la peinture qui me coule dans l’oeil. C’est la dame aux Candy Crush qui a les bords qui flageolent. Réaumur Sébastopol. La rame freine sec avant de repartir à fond de cave et les néons sursautent. J’aimerai qu’on se balance nus, tous, pendus à des chaînes pour être sûre qu’on n’a, en vrai, jamais choisi d’être là. Parfois, j’ai peur que la vie soit aussi abominable qu’on le dit. ça sent la gifle de pénis outrecuidant et le frottis de fraise Tagada. Nous nous excusons pour la gêne occasionnée. Un épagneul racé comme une marquise m’enjambe pour s’accroupir en face de moi dans le sens de la marche à l’américaine. Le velours côtelé a le vent en poupe cette année sur la ligne 9. Je crois voir sa demi-molle faire des vagues à moins que ça ne soit une blague que me joue la soi-disante réalité, à qui je n’avais pourtant rien demandé, ou alors si, mais juste un simple fox-trot enchaînant sur du be-bop. Sur le quai, le cul béant d’un clochard mal rhabillé déchire le flux palpitant de la foule des survivants. On dirait le portrait d’un membre de la famille royale qui aurait des regrets. Terminus. A l’horizon, des fonds de panneaux publicitaires vierges achèvent de quadriller mon réveil. Je vais être à la bourre. Et merde. J’ai encore fait un Blank.
Anne-Laure Bonte / 2016