udo
Le 3 juillet 2009 ouverture du bar udo, dans le onzième arrondissement de Paris.
Julia vit à Paris depuis plusieurs années quand elle pousse la porte de la galerie d’Étienne, dans le XIe arrondissement. Il est séduit par cette jeune Allemande pétillante, elle est touchée par sa spontanéité. C’est le début d’une grande histoire d’amour. Et d’une aventure unique : le Udo-Bar.
Quelques mois après leur rencontre, Étienne confie à Julia qu’il songe à se reconvertir. À la galerie, les gens passent des heures à discuter avec un verre. « On mettait de la musique et tout le monde dansait. » Autant faire un bar ! Julia, elle, rêve d’ouvrir un bar à saucisses à Paris. Mi-plaisantins, mi-sérieux, les tourtereaux creusent l’idée dans un restaurant. « On était bourrés mais très heureux. »
En 2009, le Udo-Bar ouvre ses portes dans une petite rue près d’Oberkampf, avec une carte berlinoise. Julia prépare la Currywurst, spécialité locale, d’après une recette familiale. On se désaltère avec de la bière allemande, des cocktails berlinois ou du Jägermeister. Côté sodas, Udo sert de la Bionade et du Club Mate, une boisson à base de caféine qui fait fureur à Berlin. Sans oublier les jus de fruits gazeux. La Rhabarberschorle est un régal… à condition d’arriver à la commander sans bégayer !
Débordés, Étienne et Julia recrutent Thomas, un ami d’Étienne, « pour rester en famille et continuer à s’amuser ». Pas question d’embaucher quelqu’un d’extérieur au petit groupe, très soudé et visiblement harmonieux.
Pourquoi Udo ? Un mystère plane sur ce nom, choisi par Julia. Du coup, chacun y va de son interprétation personnelle. Thomas, qui prononce « Üdo », à la française, y entend la contraction d’« utopie d’Oberkampf ». L’idée reflète bien l’esprit des lieux. Quand on trinque chez Udo, c’est souvent « à l’amour ». Fleur bleue ? Peut-être. Mais cette ambiance bon-enfant fait des adeptes.
Outre un noyau dur d’habitués, Udo attire une clientèle hétérogène dans la rue Neuve-Popincourt, guère passante. Étienne, Julia et Thomas sont serveurs, amis, confidents parfois. Leur spontanéité et leur gentillesse mettent tout le monde à l’aise. Quand le bar est bondé, on se serre autour des trois tables ou sur des caisses de bière, et on fait connaissance avec les voisins tout en picorant de la Currywurst dans des barquettes en carton, comme à Berlin.
Les Français sont ravis de retrouver cette ambiance, les Allemands se sentent chez eux. L’équipe est heureuse. « Quand je rentre chez moi, j’ai l’impression d’avoir passé une bonne soirée entre amis », affirme Thomas. Malgré le rythme épuisant des soirées, Julia n’imagine pas céder sa place derrière le bar. Quant à Étienne, il vient parfois prendre un verre chez Udo en dehors des heures de travail. « Le but n’est pas de s’enrichir mais de créer un lieu où les gens se sentent bien », insiste Thomas. « C’est un peu comme faire un bébé… qui s’appellerait Udo ! »
Udo sert de la bonne bière, mais on y va surtout pour l’ambiance. Un pied dans la porte, et on est à Berlin. La déco est minimaliste, sauf un clin d’œil kitschissime : sur le mur du fond, le château de Neuschwanstein au soleil couchant. Second degré typiquement berlinois. En deuxième partie de soirée, on pousse les tables pour danser. Ici, pas de faux-semblants : on vient habillé comme on veut, et on décompresse sur fond de musique électronique. Quitte à finir debout sur la table ou torse nu.
En matière de musique, Julia est une puriste. Pas question de verser dans le mainstream grégaire. Il s’agit plutôt de recréer à Paris l’atmosphère électro si présente à Berlin. « En Allemagne, il existe une vraie culture de la musique électronique, plutôt alternative », explique Étienne. « En France, cette musique a été phagocytée par une population assez bourgeoise, sans aucun appel politique. » À l’inverse, Udo mise sur une programmation pointue.
Le trio édite des disques, organise des concerts et des soirées expérimentales hors les murs avec des DJ allemands. Certains, pris d’assaut, viennent chez Udo parce qu’ils s’y amusent. Il faut dire qu’ils jouissent d’une liberté totale à la table de mixage, placée sur des tréteaux, au contact du public. Les clients apprécient : « J’aime bien les lunettes de la serveuse, les DJ barrés et les chaises invisibles », témoigne l’un d’entre eux. À défaut de prendre l’avion pour Berlin, on peut toujours aller chez Udo !